L’expulsion de C8 de la TNT : une absurdité qui condamne l’économie télévisuelle française
- Lino
- 30 déc. 2024
- 3 min de lecture
Le 29 décembre de cette funeste année, l’Arcom, gardien supposé du pluralisme et de l’équité audiovisuelle, a décidé d’arracher de la TNT l’une de ses pierres angulaires : la chaîne C8. Un acte qui, sous des oripeaux de moralité, pourrait être plus justement qualifié d’abandon irresponsable des intérêts économiques, sociaux et culturels de la France. Ce décret de bannissement, loin d’être une mesure éclairée, porte en germe une série de conséquences désastreuses qui frappent de plein fouet la télévision nationale, ses salariés et son avenir même.

Un succès écrasant méprisé au nom de principes discutables
D’aucuns s’étaient fait une spécialité de critiquer les programmes de C8, jugés par certains trop tapageurs ou excessivement polémiques. Cependant, réduire cette chaîne à ses controverses revient à ignorer sa puissance indiscutable dans l’univers médiatique. Ses émissions phares, notamment celles de Cyril Hanouna, attiraient en moyenne 1,5 million de téléspectateurs par soir, avec des pointes atteignant parfois les 2,5 millions. Plus impressionnant encore : près de 40 % de ce public appartient à la tranche des 15-34 ans, une démographie particulièrement convoitée, désertant progressivement les médias traditionnels.
Remplacer une telle locomotive par des chaînes de substitution amorphes constitue une erreur stratégique colossale. Ces remplaçants, dénués de charisme et de contenu attractif, peineront à réunir une audience significative. Or, l’économie de la télévision dépend directement de cette audience massive, qui alimente les revenus publicitaires et justifie l’existence même de nombreuses chaînes. Avec la disparition de C8, le marché publicitaire se contractera, privant l’État de plusieurs millions d’euros en taxes annuelles.
Une perte économique et fiscale irréparable
Les chiffres ne mentent pas : C8 représentait à elle seule près de 20 % des recettes publicitaires des chaînes gratuites, générant environ 70 millions d’euros par an. La suppression de cette source de revenus ne se limite pas à l’impact direct sur la chaîne elle-même. Elle engendre un effet domino, poussant les annonceurs vers des plateformes numériques comme YouTube ou TikTok, lesquelles, exemptées de régulations françaises, siphonnent les budgets publicitaires tout en échappant à la fiscalité nationale.
Ainsi, l’État français, loin de protéger ses recettes, s’inflige une saignée budgétaire : une perte estimée à plus de 15 millions d’euros en taxes annuelles. Ce déficit, à terme, ne pourra être comblé ni par les chaînes de remplacement, incapables de rivaliser en termes d’audience, ni par un hypothétique redressement du marché.
Une jeunesse séduite par les géants numériques étrangers
Le public de C8, majoritairement jeune et dynamique, ne migrera pas vers des chaînes à contenu édulcoré ou à ambition culturelle artificielle. Non, il se détournera de la télévision pour embrasser les sirènes des plateformes numériques. YouTube, TikTok et consorts, déjà hégémoniques, absorberont cette audience avec une voracité accrue. L’Arcom, en privant la télévision d’un de ses principaux pôles d’attraction, livre sans résistance une génération entière à des algorithmes étrangers.
Que contrôle l’Arcom sur ces plateformes ? Rien. Pas un soupçon de régulation, pas une once d’influence. Les contenus, souvent non modérés ou façonnés par des intérêts extérieurs, dominent l’espace numérique. L’autorité française, en abattant C8, abdique toute possibilité de maintenir un semblant de souveraineté sur les flux d’information qui façonnent nos sociétés.
Derrière les caméras de C8, c’est un écosystème entier qui vacille. La chaîne employait directement plus de 300 personnes : techniciens, monteurs, producteurs, journalistes, animateurs. À ces chiffres s’ajoutent des centaines de prestataires et de sous-traitants dont l’existence dépendait de l’activité florissante de la chaîne. Ces familles, aujourd’hui plongées dans l’incertitude, sont les victimes collatérales d’une décision prise dans les bureaux feutrés de l’Arcom.
Et pour quoi ? Pour satisfaire une poignée de détracteurs, ignorants des réalités économiques et sociales, qui préfèrent sacrifier l’emploi sur l’autel de principes abstraits. Une telle myopie n’est pas seulement injuste ; elle est criminelle.
Une vision étroite et désastreuse pour l’avenir audiovisuel
Le secteur audiovisuel français, déjà fragilisé par la concurrence des plateformes internationales, se voit ainsi infliger un coup supplémentaire. Plutôt que de chercher à encadrer et à élever les standards des contenus produits par C8, l’Arcom opte pour la suppression pure et simple. Une décision facile, mais d’une étroitesse d’esprit inquiétante.
Avec C8 disparaît une opportunité de promouvoir un audiovisuel national compétitif et attractif, capable de rivaliser avec les géants étrangers. Le vide laissé par cette éviction sera comblé par des acteurs internationaux, sans aucun retour pour l’économie ou la culture française.
La disparition de C8 de la TNT est bien plus qu’une simple réorganisation du paysage télévisuel. C’est un naufrage orchestré par une régulation aveugle, un abandon de souveraineté culturelle, et une atteinte directe aux finances publiques et à l’emploi. Une décision que l’histoire pourrait bien juger comme l’un des actes les plus irresponsables de l’époque contemporaine.
Que restera-t-il de la télévision française si, à chaque controverse, l’on choisit la censure au lieu de la réforme ? Une coquille vide, soumise aux vents impitoyables de la mondialisation numérique.
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